samedi 30 mai 2009 Exposition Valadon Utrillo
à la Pinacothèque, place de la Madeleine, Paris
jusqu'au 15 septembre 2009
Place de la Madeleine, la Pinacothèque est un petit musée qui ne paye pas de mine, à peine visible au coin de la place, mais qui, comme le musée du Luxembourg sait surprendre par la qualité de ses expositions.
Jusqu'au 15 septembre, c'est le couple mère/fils, Suzanne Valadon et Maurice Utrillo, qui s'expose à la Pinacothèque.
La mère, enfant née au hasard des amours de sa mère avec un "homme du bourg" comme l'indique son certificat de naissance: "Née de père inconnu , mais habitant le bourg", enfant rebelle, dessinant à la craie sur les trottoirs du quartier, devenue modèle puis maîtresse de Puvis de Chavanne, de Renoir, et plus tard de Toulouse Lautrec et du compositeur Erik Satie.
On la retrouve dans le portrait de "La jeune fille à la natte" de Renoir, dans "La buveuse" de Toulouse Lautrec.
Errant d'amants en cafés, dessinant au hasard de ses envies, il lui arrivera un fils quand elle aura 18 ans.
Un de ses amants Miguel Utrillo le reconnaîtra quand elle voudra s'acheter une conduite pour épouser un petit notable.
Maurice, enfant aimé et rejeté, malade, pleurant beaucoup pour essayer de retenir cette mère qui n'a que faire de lui.
Elevé par sa grand mère, il deviendra très jeune alcoolique et peindra un peu par hasard, après avoir rencontré un camarade, un peu plus jeune que lui, peintre amateur: André Utter.
Celui-ci deviendra bientôt l'amant puis le mari de la mère, Suzanne Valadon.
Maurice Utrillo, continuera à noyer sa vie et sa douleur dans l'alcool, ses toiles se vendant de mieux en mieux, c'est lui qui fera vivre la famille.
De séjour en asiles psychiatriques, en bistrots où il brade ses peintures contre quelques litres d'alcool, il continuera à peindre d'après les cartes postales que lui donne sa mère, des toiles d'où l'humain est absent, réduit à quelques ombres dans le lointain.
A la Pinacothèque, une photo nous accueille dans l'entrée.
Suzanne Valadon, le visage adouci comme sur le tableau de Renoir, tient contre elle son fils Maurice.
Maurice, est collé contre sa mère, le regard en coin, nous fixant, méfiant et craintif.
Les premiers dessins sont de Suzanne Valadon, qui s'appelait encore Marie Clémentine Valadon ou (Valade).Elle deviendra Maria, puis Suzanne, sous les regards des vieux peintres pour qui elle posera: Puvis de Chavannes, Renoir.
Dans la première salle, l'exposition débute par le portrait de sa mère, verdâtre, qui reprise une chaussette, le regard dur , trop absorbée par sa tâche pour s'intéresser à ce qui l'entoure.
Les dessins de nus qui suivent, montrent des portraits de femmes ou de son fils, dans des postures faussement détendues. La déformation d'une partie du corps, un bras, une jambe, un pied, font vivre le dessin, mais apporte une tension dans la composition et l'impression d'êtres torturés.
1906 Un premier paysage d'Utrillo.La palette est douce , une harmonie de verts et de bruns. La texture est pâteuse dans le bas du tableau, mais par petites touches.
1909 tableau de Suzanne Valadon Les arcs noir des arbres dominent des corps verdâtres qui se fondent dans la terre.
1909 Un autoportrait d'André Utter aux orbites vides......troublant
1908 Des paysages parisiens d'Utrillo. Des verticales de plus en plus présentes. Des limites qui tiennent les maisons pour mieux tenir le peintre quand il avait trop bu?
1909 Un place d'église. Sur les murs des maisons, dans le ciel, la touche est pâteuse, terne, et donne vie à ce vieux mur qui se désagrège. Peut être un des tableaux sur lesquels, Maurice Utrillo expérimentait des mélanges avec du plâtre?
Le peintre alterne la même année, des réprésentations de maisons avec des lignes droites , précises, un peu dans le style naïf, sur lesquels la couleur est brillante, avec des touches de rouge et de vert, et des paysages plus flous avec des couleurs plus éteintes.
1908 J'aime particulièrement dans l'église de Villiers le Bel, les harmonies de gris , marron.
1910/1916 Toujours des peintures de rues, d'église, et toujours cette alternance de peintures un peu floues et d'autres très précises, comme tracées à la règle. Sur le devant, des arbres aériens, presque sans feuilles, sans consistance, semblant flotter au-dessus du sol.
A la fin de la première salle, un diaporama fait défiler des cartes postales des rues de Paris, et parfois en fondus enchaînés, les peintures d'Utrillo d'après ces cartes postales.
Cela permet de percevoir encore mieux la personnalité du peintre. Si les cadrages sont les mêmes, les peintures d'Utrillo n'ont rien à voir avec des copies.
L'éclairage,la couleur transforment la perspective, font vivre les masses différemment. Les personnes sont effacées.
Dans l'escalier, un autre diaporama de cartes postales anciennes.
Plus loin, on trouve côte à côte, deux versions du cabaret " Le Lapin Agile", l'une précise, les angles de la maison sont noirs, verts, les arbres légers, aériens, avec des touches de verts, rouges, qui éclairent le tableau.
L'autre, terne, floue, des masses d'arbres indistinctes, une barrière lourde qui s'écroule barrant l'accès au cabaret.
La signature même est légère sur la première version et épaisse dans le deuxième.
Partout, les rues sont vides, désertées. l'humain n'est pas là, ou à peine esquissé, de très loin, petits bâtons bruns.
Les églises semblent avoir un mouvement de recul devant le peintre, les arbres flottent toujours.
La salle suivante montre l'énergie sauvage des peintures de Suzanne Valadon, la santé, l'affirmation de soi, la jouissance des fleurs qui explosent de couleurs.
Des figures cernées de traits noirs, et toujours cette déformation d'une partie du corps, souvent du côté gauche, le bras gauche de la femme à la contrebasse qui ne semble plus lui appartenir, mais vivre de sa vie propre, déformé, tordu.
Le commissaire de l'exposition a décidé de ne pas présenter les dernières toiles d'Utrillo, qualifiées de médiocre. Dommage....
Dans les dernières salles, on trouve une suite de portraits peints par Suzanne Valadon, denses, féroces, même dans les autoportraits.
Dans un coin, deux palettes d'Utrillo, transformées en paysages.
Etrange, ce couple où l'une explose de force, de vie et l'autre apparemment fragile, mais à mon avis, bien plus puissant dans sa peinture.
Et surprenants, ces arbres légers, sans racines des peintures du fils, que l'on retrouve étrangement dans certaines peintures de la mère.
Fragilité partagée?
Retour au sommaire