Dimanche 23 avril 2010
Promenade à Plouy Saint Lucien, près de Beauvais
Les éditions l'Iroli organisaient le Festival de la Micro-Nouvelle du Haïbun pendant ce grand weekend de Pentecôte.
La petite place de Plouy Saint Lucien était fermée aux voitures, sous les arbres on pouvait rencontrer des éditeurs comme Quadrature, la revue de nouvelles Prôse et faire son marché de livres à lire.
J'ai pu mettre un visage sur quelques pseudonymes du forum Maux d'Auteurs:
Saturnin qui récite de la poésie Parnassienne, dès qu'il entend le nom de Proust, Umadrab qui s'occupe du concours de nouvelles d'Ozoir la Ferrière, et Emma Bovary, qui proposait un atelier d'écriture.
J'ai eu le plaisir de rencontrer Marie Pontacq, qui a eu le premier prix de la micro nouvelle, avec Sadhika une très belle rencontre en voyage, toute en douceur et subtilité, née de ses années en Inde.
J'ai passé de très bons moments avec Marie et Gilles à bavarder écriture et rencontres, devant notre assiette de tajine et le thé à la menthe.
A notre table, il y avait également Meriem Fresson qui s'occupe
de la revue 5 7 5 haïkus,
Un des ses haïbuns est publié dans le recueil 2010.
Le moment drôle fut la rencontre avec les toilettes sèches, installées pour l'occasion. Je pense qu'il me faudra un long apprentissage pour m'y sentir à l'aise......
J'avais concouru dans la catégorie Haïbun. Mon texte a été publié, sans remporter de prix.
Un haïbun est une forme d'origine japonaise, reprise par les anglo-saxons et peu connue en France.
C'est un poème en prose, inspiré des principes bouddhistes, dans lequel il y a un ou plusieurs Haïkus. Un Haïku est un poème de trois vers qui respecte (ou non!) la métrique 5/7/5.
Voici mon texte pour vous donner envie (peut être!) d'acheter le recueil et lire la nouvelle de Marie:
CROSSROADS
Le train a grincé en s’arrêtant. L’homme a escaladé les marches avec son gobelet de café. Il s’est assis lourdement sur le plancher, dans la poussière, gênant les voyageurs qui montaient.
Il parlait fort : « Tu vas prendre ton train. Tu ne vas pas être en retard. Tu vas aller travailler. »
J’ai cherché les écouteurs. Il ne parlait qu’à lui-même. Il s’expliquait ce qu’il devait faire.
« Tu as pris tes cachets ce matin. Tu vas aller travailler. Tu vas être à l’heure. »
La voix était forte, rugueuse. Il lui fallait s’entendre.
Il s’est levé pesamment. J’étais inquiète. Peut être allait-il venir me parler avec son gobelet de café qui clapotait.
le pas balancé et chaloupé
il descend les marches
parti…. je respire
Je l’entends parler dans la partie basse du train. Le paysage de banlieues moroses défile. Je rêve aux montagnes Suisses qui se reflètent dans le lac.
Ce soir. J’arrive à Lausanne ce soir. Je ne sais pas encore ce qui se passera après Lausanne, mais j’imagine qu’ensuite ma route en sera différente.
Il est remonté et s’est enfermé dans les toilettes. Il poursuit sa harangue solitaire.
Un homme, noir dans ses habits noirs, essaie d’ouvrir la porte. Le fou au gobelet sort et le houspille.
Surpris, l’homme noir en habits noirs échange un regard complice et amusé avec moi. Nous ne voulons pas aller parmi les fous. Il me sourit et je ne vois plus que ses dents. Le chat du Cheshire dans le RER D.
Le regard entendu que nous échangeons nous rassure. Nous ne sommes pas comme celui-là qui tangue toujours à la recherche d’une place.
L’homme au gobelet reprend son monologue :
« Tu vas bientôt descendre, tu es presque arrivé. Tu as pris tes cachets ? Oui. Tu ne vas pas être en retard à ton travail. »
Qu’est ce qui fait que je peux être invisible dans ce train, et lui l’objet de nos inquiétudes ? Pourquoi lui et pas moi ?
Lui, parle avec ses voix imaginaires et moi je suis à l’écoute de mes voix pour écrire des histoires. Lui et moi, nous sommes sur deux chemins. Ils se croisent pour quelques minutes. Le mien va peut-être changer ce soir.
Si peu d’espace nous sépare
En moi le silence
En lui fracas et chaos
Lien avec ma (modeste) vie d'auteur